Voici quelques notes prises lors des Journées ABES et retravaillées à grands coups de copier/coller à partir des informations présentes sur le site de l’ABES, et notamment des présentations faites lors des Journées. Je ne prétends pas faire preuve d’une quelconque originalité : il s’agit juste de mettre à disposition de tous des éléments du compte-rendu que j’ai faites en interne à mes collègues. Je précise que comme certains sujets abordés lors des journées dépassent de loin mes compétences, et que je n’ai pas pu assister à tous les ateliers, il est plus que probable que de gros ou de petits contre-sens se glissent dans mes propos. N’hésitez pas à me les signaler si vous le souhaitez…
Je commence par un billet consacré au projet d’établissement de l’ABES. D’autres suivront dans quelques jours.
Du projet 2008-2011 au projet 2012-2015
Pour l’élaboration du prochain projet d’établissement, l’ABES a décidé d’impliquer un grand nombre de partenaires. Le processus est donc relativement long : les premières réflexions ont commencé en octobre 2010, et le projet devrait être validé en novembre 2011.
L’ABES a impliqué dans ce projet son Conseil Scientifique, qui a été créé à cette occasion. D’autre part, elle a pris l’avis des BUs, en organisant le 16 mai une après-midi de débats et d’échanges avec 60 membres du réseau concernant 3 thématiques : ressources électroniques, SIGB mutualisé (atelier dont Lully a rendu compte dans ce billet, patrimoine. Enfin, elle procède actuellement à une enquête sur les attentes du réseau et de quelques partenaires, qui sera complétée par des entretiens en focus groupes. La synthèse sera publiée début septembre.
Le projet d’établissement actuel (le 1er dont l’ABES se soit jamais doté) couvre la période 2008-2011. Il consiste en 96 actions réparties en 6 objectifs :
- Offrir des catalogues de qualité, ergonomiques et évolutifs
- Développer le réseau et l’associer à la définition de la politique et des objectifs de l’ABES
- Faciliter l’accès aux ressources documentaires des universités
- Mettre à la disposition des établissements des outils et services garants d’un fonctionnement optimal
- Améliorer la gestion de l’ABES
- Mieux insérer l’ABES dans son environnement universitaire et de recherche
Les objectifs prévus pour le prochain projet me semblent approfondir des éléments du projet 2008-2011, mais certains points (2,4,5) sont inédits :
- Faire évoluer les catalogues et applications. (prolonge le point 1 du précédent projet, en l’élargissant aux « applications », et en insistant sur leur évolution effective)
- L’ABES « hub » des métadonnées de la recherche française. (« hub »? Je trouve ça très vilain, mais l’ABES n’a pas cherché d’équivalent français… « porte d’entrée ? »)
- Signaler les ressources des universités et établissements : ressources électroniques ; patrimoine. (prolonge le point 3 du précédent projet)
- Développer l’achat de ressources électroniques.
- Proposer aux établissements un SIGB mutualisé.
- Développer les partenariats nationaux et internationaux. (prolonge le point 6 du précédent projet, en insistant sur la dimension internationale)
- Mettre la gouvernance et le pilotage en cohérence avec le développement des missions de l’ABES. (prolonge le point 5 du précédent projet)
Les pistes du « rapport TICER »
Ces pistes sont en partie issues d’une étude que l’ABES fait réaliser par Hans Geleijnse, consultant de TICER (Tilburg Innovation Centre for Electronic Resources, Université de Tilburg). L’étude, commandée en novembre 2010, a été divulguée en mars 2011. Elle est disponible sur le site de l’ABES, uniquement en anglais (Environmental Scan : as an input for the development of a strategic plan of L’Agence Bibliographique de l’Enseignement Superieur (ABES) for the period 2012-2015)
L’enquête porte sur environnement international de l’ABES (actions et visions de l’avenir des homologues de l’ABES) et sur cinq questions spécifiques posées par l’ABES. Il faut relever que la mission du rapporteur était centrée sur l’ABES et ses homologues, sans évaluer systématiquement la place des autres acteurs français de l’IST (Information scientifique et technique), notamment de l’INIST et du CNRS, ce qui l’aurait peut-être conduit à nuancer ses conclusions.
Comment les homologues de l’ABES envisagent-il l’avenir ?
Les principales tendances internationale de l’IST dégagées par le rapport sont : d’avantage de mobilité et de flexibilité, l’importance croissante des applications mobiles, des réseaux sociaux et du « cloud computing » (ou « informatique en nuage », dixit Legifrance), les menaces sur la protection des données personnelles, et les contraintes budgétaires croissantes.
D’après le rapport, les équivalents étrangers de l’ABES ont des missions plus larges (ex : catalogue commun BU/BM, fourniture de documents électroniques, fourniture de SIGB aux établissements…) mais un ressort territorial plus étroit (petits pays, régions). La position de l’ABES est donc atypique.
Toutes ces institutions sont en train de se recentrer vers la gestion et la fourniture de documents électroniques, et anticipent une marginalisation rapide de la documentation imprimée dans les 5 à 10 ans. Dans ce cadre, elles cherchent à réaliser des économies d’échelle, à développer la fourniture de « discovery services » (en bon français, « services de découverte », ou « solutions de découverte ») aux bibliothèques, à favoriser les solutions libres, à profiter des opportunités offertes par l’informatique en nuage, et à faire le meilleur usage des technologies du Web 2.0 et des technologies modernes en général.
Dans un contexte de détérioration attendue des capacités financières des universités et de pression forte de la part des pouvoirs publics pour plus d’efficacité et d’efficience, les homologues de l’ABES estiment qu’ils ne pourront survivre qu’en proposant une réelle « valeur ajoutée » aux bibliothèques, et en leur faisant faire des économies grâce à une centralisation accrue : éviter à tout prix de faire plusieurs fois le même travail (saisie unique ou récupération des métadonnées, etc.), assumer une position de force dans les négociations commerciales avec les fournisseurs de services ou les éditeurs, tenir un rôle central dans les débats nationaux et internationaux, promouvoir de nouvelles idées ou de nouveaux services en capitalisant sur les initiatives des membres de leur réseau.
Pour chaque service, l’enjeu central sera la détermination de l’échelle la plus pertinente en terme de coût et d’efficacité : local, régional, national, international ? Par exemple, certains pays pourraient abandonner la gestion de catalogues nationaux au profit de Worldcat. Le rapport insiste également à de nombreuses reprises sur les changements apportés par le développement de l’informatique en nuage. Pour l’usager, peu importera le lieu de stockage de l’information et des outils.
L’auteur a fait à l’ABES cinq recommandations
On en retrouvera certaines dans les pistes pour le projet d’établissement 2012/2015 évoqué plus haut.
- Devenir le « hub français des métadonnées » (documents imprimés et électroniques) en collaboration avec d’autres instutions françaises et avec des entreprises. Cela pose la question des rapports avec la BNF et avec l’INIST…
- Harmoniser les initiatives françaises pour la gestion des métadonnées (acquisition, moissonnage, qualité) et des autorités, notamment dans le cadre d’IdRef et du VIAF. Là encore, pas sûr que la BNF, qui participe déjà au VIAF, accepte de se faire « harmoniser » sans rien dire…
- Proposer des services et des outils aux bibliothèques pour leurs activités internes et leurs services aux lecteurs (Acquisition, catalogage, prêt, recherche documentaire, PEB, outils de découverte), en s’appuyant notamment sur l’informatique en nuage.
- Éviter de développer des outils « maison », en tout cas pour le PEB et les services de découverte : ce serait une perte de temps et d’énergie. Il vaut mieux faire appel aux solutions sur le marché.
- Proposer davantage de services pour la recherche : développer un CRIS (Current Research Information System) : dispositif national d’information sur la recherche en cours, qui permettrait de mettre en valeur la recherche française (avec des liens possibles vers les archives en ligne.)
Les réponses aux interrogations de l’ABES
- Quel est l’avenir de CBS ?
Le logiciel au cœur du SUDOC, CBS, sera maintenu et mis à jour par OCLC au moins pour 5 ans. CBS pourra être adapté à RDA, car il permet déjà de lier les données entre elles. CBS peut également servir de base à un catalogue « 2.0 » (couvertures, commentaires de lecteurs, tags, étoiles, conseils personnalisés, ajouts de métadonnées par l’usager…), comme l’illustre le projet suisse Swissbib.
De son côté, WinIBW devrait être remplacé par une application web, probablement en 2012.
- Faut-il repenser les relations avec OCLC ?
L’accord 1992-2011 arrive à échéance. Certains points pourraient être renégociés : CBS (l’application au coeur du Sudoc) est moins utile qu’il y a 20 ans, car l’essentiel de la documentation est dématerialisée, et CBS ne gère pas de manière optimale les ressources électroniques. On pourrait donc envisager de renégocier le prix de CBS, ou demander un accès à d’autres services.
La « dépendance » envers les fournisseurs comme OCLC est aujourd’hui une réalité inévitable, qui ne doit pas susciter trop d’inquiétudes. Il faut plutôt se préoccuper de la pertinence, de l’efficacité et de la fiabilité des services offerts. Sur ces points, la position d’OCLC est plutôt rassurante (compétences, taille, nombre de partenaires, statut non lucratif), notamment par rapport à Ex Libris.
Par contre, la nationalité américaine d’OCLC peut poser problème : tous les homologues européens de l’ABES insistent sur la nécessaire maîtrise des données. Les métadonnées issues de la recherche française ont à la fois une dimension stratégique et patrimoniale. Il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas stockées exclusivement des USA, et donc soumise à la législation américaine.
- Les ressources électroniques doivent-elles être intégrées au SUDOC, ou dans un nouveau catalogue spécifique, encore à imaginer ?
J’ai été quelque peu surpris par cette question : cela fait des années et des années que le signalement des ressources électroniques est pour l’ABES et pour les membres du réseau la priorité des priorités, l’urgence absolue, etc etc. La question de l’outil adéquat pour ce signalement est évidemment fondamentale, mais j’avoue que j’espérais que les experts de l’ABES avaient déjà des idées claires sur les choix à faire dans ce domaine. J’espère pouvoir y revenir dans un prochain billet, mais honnêtement, je n’ai pas moi même d’idées bien claires sur la question…
Le rapporteur ne répond pas par oui ou non, mais en insistant sur l’attitude des homologues de l’ABES, qui misent pour la plupart sur les « services de découverte ». Ces outils sont le dernier avatar de la recherche fédérée, mais contrairement aux portails développés au début des années 2000, ils utilisent les technologies modernes (traduire : du web sémantique), et cherchent à proposer une expérience de recherche conviviale et familière aux usagers (traduire : sur le modèle de Google). Ils fournissent un point d’entrée unique pour interroger simultanément plusieurs types de ressources globales (catalogues, bases de données, archives ouvertes, sites de fournisseurs d’ebooks ou de journaux en ligne…) et locales (données propres à chaque bibliothèque). Selon le rapport, les deux solutions commerciales les plus abouties sont Primo d’Ex Libris et Worldcat Local d’OCLC, mais Serial Solutions et EBSCO proposent aussi la leur.
Dans ce cadre, si j’ai bien compris, l’auteur estime qu’il serait envisageable de concevoir une base de connaissance signalant les ressources électroniques françaises, qui pourrait être gérée hors du SUDOC, mais consultée par le biais de ces services de découverte, simultanément avec d’autres ressources.
- L’ABES peut-elle jouer un rôle de soutien ou de gestion d’outils pour les bibliothèques (SIGB ou outils appelés à les remplacer) ?
Plusieurs de ses homologues le font. Si un nombre suffisant d’universités manifestent un intérêt réel pour ce projet, et s’il est une source d’économie, l’ABES pourrait fournir ce genre de service, peut-être en en se basant sur des solutions commerciales exploitant les possibilités de l’informatique en nuage.
- Faut-il repenser les relations avec le réseau ?
Une bonne communication entre l’ABES et le réseau est essentielle. De graves problèmes ont affecté le réseau américain OhioLink suite à des divergences entre l’opérateur et les membres du réseau. Pour un certain nombre de questions clés, l’ABES ne pourra agir que si le réseau s’engage clairement et fortement dans la même direction.
Il faudrait renforcer la présence des établissements dans le CA de l’ABES, et formaliser le rôle de conseil des établissements au sein d’un autre conseil, qui se chargerait d’examiner les questions stratégiques. Cela pourrait impliquer un renforcement du rôle de l’AURA.
Merci de te lancer ainsi courageusement dans le CR de ces journées (c’est un travail de longue haleine !)
Je reste perplexe devant la phrase : « L’ABES a impliqué dans ce projet son Conseil Scientifique, qui a été créé à cette occasion. »
Le CS a été créé pour concevoir un projet ? Ou bien le CS a poussé à la conception d’un projet ? Ou bien les deux vont de pair avec le nouveau statut et les nouvelles missions de l’Abes, à laquelle des larges portions de missions relevant précédemment du Ministère sont désormais échues ?
Tout ce que je voulais dire, c’est que la décision de créer le CS a été prise en avril 2010, et qu’il s’est réuni pour la 1re fois en décembre 2010.
Le site de l’ABES précise (http://www.abes.fr/abes/page,668,conseil-scientifique.html) que
« Ses contributions seront précieuses pour alimenter la réflexion sur le projet d’établissement 2012-2015, dont le chantier va s’ouvrir cet automne. »
Ensuite, je ne sais pas si la décision de le créer a été prise directement en lien avec la réflexion sur le projet, ou si c’est un hasard…