Quel tarif pour les lecteurs extérieurs en bibliothèque universitaire?

En rouge, corrections du 8 septembre
Pas de considérations métaphysiques dans ce billet. Des faits, rien que des faits, et surtout des sous ! 😉

La question, qui s’inscrit dans la préparation de mon mémoire : combien coûte l’inscription dans une BU pour un lecteur absolument extérieur au monde universitaire, et ne bénéficiant d’aucune des réductions possibles (la liste des réductions varie fortement d’un établissement à l’autre. Disons que notre Monsieur Lambda n’est ni chômeur, ni étudiant d’une autre université, ni retraité de l’éducation nationale unijambiste inscrit dans une formation continue co-organisée par un établissement conventionné, etc) ?

Pour répondre à cette question j’ai dû dresser un tableau en examinant un par un les sites des BU françaises. J’ai exclu pour l’instant les BIU parisiennes (et la BU LSH de Lyon), les INSA et autres écoles, et les BU de Nouvelle Calédonie et du Pacifique (les tarifs sont en Francs Pacifique). J’ai par contre inclus les 3 universités technologiques (Troyes, Compiègne, Belfort).

[Mais quel est le sadique qui  a inventé la grammaire française? Pourquoi j’ai exclu mais j’ai inclus? Hein? Pourquoi?]

Restent 73 établissements, dont j’ai repris les intitulés « ESGBU » pour simplifier.

Bilan :

– une bibliothèque où apparemment aucun extérieur ne peut s’inscrire : Paris 2 (Assas). Accès limité sans doute lié à l’histoire particulière de Paris 2 qui a longtemps été privée de BU (mais vous me direz, c’était aussi le cas de Paris 7…)

– 2 BU qui n’indiquent pas les tarifs sur leurs sites (et j’ai cherché!) : Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) et Paris 5 (Descartes) Correction : l’inscription est gratuite à Paris 1 et de 68 euros à Paris Descartes

70 72 BU fournissant cette information

Parmi ces 70 72, le tarif médian est de 35 euros.

Dans le détail, le « pivot » est de 34 euros, autrement dit le montant des droits versés par les étudiants pour la bibliothèque lors de leur inscription (montant fixé par arrêté pour l’année 2013-2014, et revalorisé régulièrement), qui sert donc de référence à la plupart des établissements pour fixer leurs tarifs pour le grand public.
Certaines bibliothèques utilisent ce montant de référence comme un « tarif réduit », dont bénéficient par exemple les étudiants d’autres universités, ou les personnels de l’Education nationale. Dans ce cas, elles établissent fréquemment le tarif plein en affectant le montant de 34 euros d’un coefficient multiplicateur (x2, ou plus rarement x1,5, ce qui nous donne soit 68 soit 51 euros) ou en rajoutant 10 euros. Dans une minorité de cas le tarif d’inscription semble totalement décorrélé des 34 euros.

Tarif plein Nombre de bibliothèques
Gratuité 1
Moins de 34 euros 6
34 euros 28
Entre 34 et 68 euros 24
68 euros 9
Plus de 68 euros 4

Une partie des 4 tarifs inférieurs à 34 euros sont probablement des erreurs liés à une mise à jour irrégulière des sites.
Enfin, signalons deux cas particuliers sur lesquels je reviendrai sans doute :
Toulouse 1, qui propose à ses lecteurs (étudiants, enseignants ou extérieurs) un droit supplémentaire facultatif de 15 euros permettant emprunter plus de documents (politique qui a fait vivement réagir des collègues de Reims et d’Angers en 2010). Le tarif que j’ai retenu ici est le tarif de base pour les extérieurs (44 euros), sans ces 15 eurs.
Angers, qui propose des tarifs différenciés, mais pour les extérieurs uniquement : avec ou sans accès à la documentation électronique. Jusqu’à cette année, l’inscription « sans documentation électronique » était gratuite, et l’inscription premium à 34 euros. A partir de l’année prochaine, l’inscription de base passera à 15 euros, et l’inscription premium à 50 euros. J’ai retenu 34 euros (pour pouvoir comparer avec un service rendu équivalent dans les autres BU)

Et voila le détail

Nom Zone géographique Type de bibliothèque Type d&rsquo établissement Montant plein tarif (€)
PARIS-DAUPHINE Ile-de-France BU Université 200
TROYES Province BU Université Technologique 200
PARIS 10 Ile-de-France BU Université 110
COMPIEGNE Province BU Université technologique 73
BORDEAUX Province BU Université 68
BORDEAUX 3 Province BU Université 68
PARIS 5 Ile-de-France BU Université 68
GRENOBLE 1-INPG Province BIU BIU généraliste 68
GRENOBLE 2 et 3 Province BIU BIU généraliste 68
LYON 1 Province BU Université 68
MONTPELLIER Province BIU BIU généraliste 68
PARIS 11 Ile-de-France BU Université 68
PARIS 6 Ile-de-France BU Université 68
LYON 3 Province BU Université 64
LA REUNION Province BU Université 55
AMIENS Province BU Université 51
CAEN Province BU Université 51
NANTES Province BU Université 51
TOULON Province BU Université 51
ANGERS Province BU Université 34
LORRAINE Province BU Université 50
LA ROCHELLE Province BU Université 48
ALBI (CUFR CHAMPOLLION) Province BU Université 44
TOULOUSE 1 Province BU Université 44
TOULOUSE 2 Province BU Université 44
TOULOUSE 3 Province BU Université 44
VERSAILLES-ST-QUENTIN Ile-de-France BU Université 43,5
RENNES 1 Province BU Université 42
BREST Province BU Université 40
LILLE 1 Province BU Université 40
RENNES 2 Province BU Université 40
AVIGNON Province BU Université 38
LILLE 2 Province BU Université 38
MULHOUSE Province BU Université 36,6
AIX-MARSEILLE Province BU Université 36
MARNE-LA-VALLEE Ile-de-France BU Université 35
SAINT-ETIENNE Province BU Université 35
BESANCON Province BU Université 34,7
ANTILLES GUYANE Province BU Université 34
ARTOIS Province BU Université 34
BRETAGNE-SUD Province BU Université 34
CHAMBERY Province BU Université 34
CLERMONT-FERRAND Province BIU BIU généraliste 34
EVRY VAL-D&rsquo ESSONNE Ile-de-France BU Université 34
LE HAVRE Province BU Université 34
LE MANS Province BU Université 34
LILLE 3 Province BU Université 34
LITTORAL Province BU Université 34
LYON 2 Province BU Université 34
NICE Province BU Université 34
NÎMES Province BU Université 34
ORLEANS Province BU Université 34
PARIS 12 Ile-de-France BU Université 34
PARIS 13 Ile-de-France BU Université 34
PARIS 3 Ile-de-France BU Université 34
PARIS 4 Ile-de-France BU Université 34
PARIS 7 Ile-de-France BU Université 34
PARIS 8 Ile-de-France BU Université 34
PAU Province BU Université 34
PERPIGNAN Province BU Université 34
POITIERS Province BU Université 34
REIMS Province BU Université 34
ROUEN Province BU Université 34
STRASBOURG Province BU Université 34
VALENCIENNES Province BU Université 34
DIJON Province BU Université 33
TOURS Province BU Université 33
CERGY-PONTOISE Ile-de-France BU Université 32
LIMOGES Province BU Université 32
BELFORT MONTBELIARD Province BU Université technologique 30
CORTE Province BU Université 30
PARIS 1 Ile-de-France BU Université 0

Une analyse? Pas pour l’instant. Mais j’ai quelques petites idées tout de même…

 

Ouvrir la BU aux étudiants et chercheurs d’autres universités : l’exemple britannique

J’évoquerai dans ce billet le dispositif ACCESS mis en place au Royaume-Uni et en Irlande (l’Eire) par la SCONUL (Society of College, National and University Libraries). Il vise à garantir au personnel et aux chercheurs, ainsi qu’aux étudiants avancés ou ayant des besoins particuliers un accès à de la documentation universitaire en dehors de leur établissement de rattachement.

La SCONUL

logo Sconul

 

 

 

 

 

Tout d’abord, quelques mots sur la SCONUL : cette association fondée en 1950 représente toutes les bibliothèques universitaires du Royaume-Uni et d’Irlande, ainsi que les bibliothèques nationales et (depuis 2001) celles de la plupart des « collèges d’enseignement supérieur ». (établissements d’enseignement supérieur, souvent techniques, et n’ayant pas le statut d’université). Son objectif est d’après son plan stratégique 2012-2015 d’ « aider ses membres à fournir des services de pointe à leurs étudiants, chercheurs et universitaires, afin de permettre à leurs institutions d’atteindre l’excellence dans l’enseignement et la recherche ».

À noter : il existe une autre instance regroupant un certain nombre de bibliothèques universitaires sur le même territoire (UK+Irlande) mais de manière plus sélective : la Research libraries UK, dont 34 bibliothèques seulement sont membres. La RLUK a une vocation de soutien à la recherche, plus qu’à l’enseignement. Elle a été à l’origine de COPAC, l’équivalent du Sudoc.

Je ne me lancerai pas dans une comparaison avec la situation française, sinon pour préciser (mais vous l’aurez compris) que ces associations n’ont pas d’équivalent strict chez nous : l’ADBU est historiquement une association d’individus (même si elle cherche a devenir une association d’établissements), et les périmètres fonctionnels (BU+bibliothèques de recherche) et géographiques (deux pays) de la SCONUL et de RLUK sont plus larges.

Une problématique générale dans les bibliothèques de l’enseignement supérieur

Le dispositif ACCESS répond à une problématique identifiée de longue date outre-Manche, mais à laquelle les bibliothèques de l’enseignement supérieur sont confrontées dans tous les pays: des étudiants ou des chercheurs peuvent avoir besoin ou envie de fréquenter une bibliothèque dépendant d’une université à laquelle ils ne sont pas affiliés.

Plusieurs cas de figure peuvent motiver le recours à une autre bibliothèque. Je distinguerais deux types de motivations :

  • la recherche de documents spécifiques (documents patrimoniaux, littérature grise, etc.) absents de la bibliothèque habituelle de l’usager ;
  • la difficulté ou l’impossibilité de recourir aux services de la bibliothèque de rattachement, pour des raisons géographiques, d’emploi du temps, ou de handicap. L’essor de l’enseignement à distance et des formations en alternance rend certainement ces difficultés plus prégnantes aujourd’hui.

À quoi peut-on s’attendre en frappant à la porte d’une bibliothèque ne dépendant pas de son université ? En France, la réponse dépendra de la bibliothèque, et en particulier de sa situation géographique :

  • de manière générale (cela mériterait d’être nuancé, mais aucune synthèse n’existe pour le moment), l’entrée et l’usage sur place des documents sont généralement libres et gratuits en Province, mais réservés aux lecteurs inscrits (membres de l’université et lecteurs autorisés) à Paris.
  • par contre, l’emprunt et les autres services (accès aux ressources électroniques, PEB…) sont réservés aux membres de l’université dont dépend la bibliothèque, sauf en cas d’accord de réciprocité entre établissements. Ces accords peuvent être formalisés dans le cadre d’une Communauté d’universités et d’établissements (COMUE), d’un partenariat régional (feu le Réseau Universitaire Ouest Atlantique) ou d’une simple convention.

À quoi faut-il s’attendre au Royaume-Uni (faisons pour l’instant abstraction du dispositif ACCESS…) ?

  • Pour autant qu’on puisse en juger, la consultation gratuite des collections dans l’enceinte de la bibliothèque semble exceptionnelle, contrairement à la France. À l’université du Bedforshire, la consultation sur place est ainsi facturée aux extérieurs 25£ (avec des possibilités de réduction ou de gratuité dans certains cas) À l’université de Manchester, l’accès libre n’est possible qu’une seule fois, la règle étant qu’un usager extérieur doit s’inscrire, pour 75£ (cette inscription donne droit au prêt, de manière limitée). On peut cependant trouver quelques contre-exemples, comme la bibliothèque de l’université d’Huddersfield ou d’Edinburgh dont les collections sont accessibles gratuitement, mais pas nécessairement librement : à Edinburgh, en période de forte affluence, la bibliothèque est réservée aux étudiants et enseignants de l’université.
  • D’autre part, des accords entre établissements existent, comme en France, et sont souvent signalés avec moult détails sur les sites des bibliothèques. Mais leur périmètre peut être plus restreint qu’en France, et se limiter aux enseignants-chercheurs et étudiants avancés. C’est par exemple le cas du programme liant entre elles les bibliothèques de recherche du Grand Londres (M25).

La politique d’accès des bibliothèques universitaires anglaises est donc historiquement moins « libérale » que celle de leurs homologues françaises. Peut-être est-ce un des facteurs expliquant que plusieurs programmes aient vu le jour à la fin du XXe siècle pour faciliter la vie des étudiants et des chercheurs.

Une histoire ancienne

ACCESS est issu de la fusion en 2007 de deux dispositifs plus anciens :

  • SCONUL Research Extra (SRX) qui s’adressait destiné au personnel et aux étudiants avancés (doctorants),
  • UK Libraries Plus (UKLP), qui s’adressait aux étudiants « postgraduate » (en gros l’équivalent de notre niveau Master) ainsi qu’aux étudiants à distance, en alternance ou à temps partiel.

Lors de son lancement en 1999, UK Libraries Plus ne concernait que les aux étudiants à distance, en alternance ou à temps partiel, et a été étendu en 2005 aux étudiants « postgraduate » à plein temps (voir une actualité de l’université de Southampton)

Un article de 2007, dont un préprint est en ligne, donne un aperçu intéressant de la mise en place du service (E. J. Adam, A vital lifeline: UK Libraries Plus 1999-2006. (lien vers le pdf). SCONUL Focus, 40 . pp. 89-93).

Je traduis le résumé, et je souligne :

Il peut sembler incroyable aujourd’hui qu’il y a seulement huit ans il n’existait aucun programme national pour permettre aux étudiants d’accéder et d’emprunter dans les bibliothèques de l’enseignement supérieur. Pourtant le besoin était clair. Avec toujours plus d’étudiants à temps partiel, étudiant souvent loin de l’université ou du « collège » dans lequel ils se sont inscrits, les bibliothèques étaient confrontées aux plaintes continuelles des étudiants ne pouvant obtenir un accès facile aux documents dont la lecture était attendue dans leur cursus. Les étudiants en alternance, passant souvent plusieurs semaines loin de leur établissement et pourtant censés réaliser des travaux dans leurs cursus, faisaient face aux mêmes problèmes. Dans certaines régions, des dispositifs comme London Plus (depuis 1988) permettaient en partie de répondre à ces besoins, mais il suffisait que l’usager change de région pour ne plus rien avoir. Encore pire, de nombreuses bibliothèques, même lorsqu’elles avaient mis en place des dispositions détaillées pour les étudiants à temps partiel de leur propre institution, faisaient en sorte que des barrières soient en place pour que le service ne soit pas débordé par les malotrus de l’université voisine. Lorsque j’étais en poste à l’université South Bank, je me souviens que je devais maintenir une longue liste de ceux que nous laissions entrer ou pas.

SCONUL Research Extra a été mis en place plus tardivement, en 2003, le dispositif UK Libraries Plus ayant servi de modèle. Il a fait suite à plusieurs initiatives prises dans les années 1990 pour faciliter l’accès à la documentation aux chercheurs en déplacement, comme le rappelle un article de 2006 (J. Hall, SCONUL Research Extra. Liber Quarterly, 2006). Il a notamment pris la suite du Research Support Libraries Programme, initié en 1999, dont l’objectif était plus large, mais qui a contribué à populariser l’idée d’une « collection nationale répartie des ressources documentaires universitaires »

En 2007 ces deux programmes ont donc fusionné, mais leur périmètre était différent, tant en ce qui concerne les publics ciblés que les établissements partenaires, ce qui explique l’apparente complexité d’ACCESS : une identité unique recouvrant des services différenciés destinés à des publics clairement identifiés.

Profiter d’ACCESS aujourd’hui

Le dispositif est basé sur la réciprocité entre établissements et sur une catégorisation des usagers en quatre groupes (« bands »). Quasiment toutes les bibliothèques universitaires adhèrent au système (environ 180), mais chaque bibliothèque peut très bien ne faire profiter du dispositif que les usagers du groupe A (par exemple la Queen’s University de Belfast), du groupe B, du groupe A et B, etc. Seules certaines utilisent toutes les possibilités du dispositif (la London School of Economics par exemple)

Les trois premiers groupes sont :

  • groupe A :
    • personnel (enseignants et support)
    • étudiants « post-graduate » effectuant un travail de recherche
  • groupe B :
    • étudiants « undergraduate » ou « post-graduate » à temps partiel (statut en général accordé pour des raisons familiales ou médicales, ou en cas de travail salarié)
    • étudiants suivant un enseignement à distance
    • étudiants suivant un enseignement en alternance (« placement »)
  • groupe C : étudiants « post-graduate » n’effectuant pas de travail de recherche (« taught courses students », mutatis mutandis, l’équivalent d’un Master pro chez nous)

Le dernier groupe, R, est particulier, car il n’est pas destiné à permettre l’emprunt de documents, contrairement aux trois premiers, mais la simple consultation sur place (« reference »). Il concerne les étudiants « undergraduate » ordinaires.

Enfin, il existe un dispositif complémentaire (utile pour les établissements ne donnant pas de droits au groupe R, si je comprends bien), qui permet à des étudiants « undergraduate » d’utiliser les services d’une bibliothèque qui n’est pas la leur, pendant les périodes de vacances universitaires.

Pour profiter du dispositif, l’usager doit se rendre sur la rubrique dédiée sur le site de la SCONUL. Une FAQ détaille les différents cas de figure. Un formulaire en ligne lui permet de préciser à quelle catégorie il appartient, et à quelle université. Il doit choisir l’université dont il souhaite utiliser la bibliothèque (mais son inscription sera valide dans d’autres établissements après acceptation). La demande est traitée par son université de rattachement, qui lui envoie un courriel de confirmation. Lors de la première visite dans l’établissement auquel il souhaite accéder, il devra se présenter avec sa carte d’étudiant ou professionnelle, et une copie du courriel afin d’établir une carte. Certaines bibliothèques demandent en outre une photo d’identité. L’émission de la carte est normalement gratuite, mais certaines bibliothèques la facturent tout de même quelques livres.

182 BU ouvertes pour un chercheur de l'université West London

182 BU ouvertes pour un chercheur de l’université West London

Le dispositif se caractérise par sa grande souplesse pour les établissements : outre l’existence de quatre catégories, chaque bibliothèque décide des services exacts qu’il propose aux bénéficiaires : condition de prêt, accès au PEB, au matériel informatique ou aux ressources électroniques. En général seul le prêt est possible, avec parfois un accès à quelques ressources électroniques, sur place uniquement.

De plus, une bibliothèque peut tout à fait restreindre temporairement l’accès ou le prêt pour une catégorie d’usagers, ou pour l’ensemble des extérieurs, notamment pendant les périodes d’examens. L’accès aux étudiants extérieurs a par exemple été bloqué dans les bibliothèques de l’université de Glasgow du 14 avril au 1er juin 2014.

En guise de conclusion : expérience exotique ou source d’inspiration ?

Sans vouloir tomber dans le cliché facile, la grande flexibilité du dispositif et le fait qu’il soit géré par une association d’établissements et non par les pouvoirs publics dénote un « pragmatisme » dont nous avons parfois du mal à faire preuve de ce côté de la Manche. Ouups, je suis tombé dans le cliché facile 😉

Bien sûr, ce dispositif ne pourrait pas être transposé tel quel en France. Certains de ses volets seraient globalement inutiles chez nous : l’accès sans possibilité de prêt (groupe R et accès pendant les vacances universitaires) aurait peu de sens en France compte tenu de nos pratiques actuelles, sauf peut être dans les BU parisiennes.

Par contre, permettre aux chercheurs, étudiants avancés et aux étudiants « empêchés » à un titre ou un autre (étudiants à distance, en alternance, handicapés, etc) d’emprunter des documents dans la BU de leur choix pourrait être une piste intéressante d’amélioration du service rendu par les BU. Resterait à calculer le coût d’une telle mesure (je n’ai pas trouvé d’évaluation du coût d’ACCESS), et à trouver un pilote…

Qu’en pensez-vous ?

Bilan du concours de conservateur d’Etat

Ou: comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer les déménagements.

À la demande du peuple, je réveille le blog au bois dormant pour faire un point sur les épreuves du concours de conservateur d’Etat, en particulier sur les oraux qui ont eu lieu il y a trois semaines.
En interne, nous étions vingt admissibles, pour sept postes. Six de moins qu’en 2008… Les promotions sont nettement plus réduites qu’il y a quelques années, mais j’ignore si c’est un effet de la démographie, ou une volonté délibérée de « repyramider » la filière bibliothèque en réduisant le nombre de conservateurs, comme le souhaite clairement l’IGB (voir son dernier rapport sur les emplois en bibliothèques).
Bref, inutile de faire durer le suspense, j’ai été pris en 6e position, en grande partie grâce aux notes obtenues aux épreuves écrites (plutôt inhabituel pour moi, en général les oraux me sont plutôt profitables). Je vais revenir brièvement sur les épreuves écrites, avant d’aborder dans une deuxième partie les épreuves orales, et de conclure dans une envolée lyrique sur la troisième mi-temps qui s’annonce. (ça c’est du plan, n’est-il pas?)

Les écrits

Ils se sont déroulés à la mi avril. Les sujets en interne étaient :

  • pour la dissertation (5h) : « Quel sens l’érudition peut-elle avoir aujourd’hui ? »
  • pour la note de synthèse (4h) : un dossier sur la musique en bibliothèque : « En matière musicale, l’offre des bibliothèques est-elle le reflet de la préoccupation des publics ? ».

La note de synthèse

Je n’ai pas conservé mes brouillons mais voici ce qui surnage de mes souvenirs. Le dossier était assez facile à traiter, et un axe de lecture était clairement suggéré (offre vs « préoccupation » des publics). Les documents étaient plutôt anciens (une dizaine d’années), mais cela n’a pas d’incidence sur ce genre d’exercice, où il faut à tout prix éviter d’insérer des idées ne figurant pas dans le dossier. J’ai très peu traité un ou deux documents que j’arrivais pas à caser dans mon plan, notamment un texte de l’ACIM peu compréhensible, et un article du BBF écrit – ô surprise – en langue BBF.

En gros, j’ai dégagé

1/ la crise d’un ancien modèle

a/ définition de cet ancien modèle (les « discothèques » séparées du reste de la bibliothèque, centrées sur le disque etc)

b/ pourquoi est-il en crise (notamment parce qu’il n’est plus adapté aux « préoccupation des publics »)

2/ vers un nouveau modèle

a/ des efforts d’adaptations de l’offre aux préoccupations des publics

b/ mais lents et pas encore suffisants

Oui, on ne peut pas faire plus bateau, mais en 4h à moins d’être un génie ou un pro de la lecture rapide, il ne faut pas s’amuser à chercher midi à 14h ! L’essentiel est d’avoir un plan cohérent et équilibré, qui réponde à une problématique pas trop farfelue, et d’y caser toutes les idées principales du dossier, la plupart des idées secondaires, et un ou deux exemples.

Pour ceux qui voudraient tenter ce concours, il faut éviter de formater la note comme on le ferait pour un concours administratif (pas de timbre, pas de destinataire etc). Il faut faire une introduction et une conclusion, et ne pas titrer les parties. Enfin, on ne plaisante pas avec le respect de la longueur imposée (4 pages) et l’équilibre des parties et sous-parties (petite astuce : faire des marques au crayon de papier sur la copie pour ne pas se laisser déborder par son inspiration…)

La dissertation

Un érudit 100% pur humaniste

Erasme par Holbein le jeune : garanti 100% érudit humaniste

Au concours de conservateur territorial, en interne, le sujet de culture générale portait sur les politiques culturelles des 40 dernières années. Le sujet du concours d’Etat était très différent, puisqu’il nous invitait à réfléchir sur la notion d’érudition et son sens aujourd’hui. Autrement dit, il demandait moins de connaissances culturelles « précises » et laissait je pense plus de marge de manoeuvre aux candidats. Plutôt le genre de sujet que j’apprécie.

Sans refaire la dissert, une erreur aurait sans doute été de considérer l’érudition comme un vague synonyme de « culture générale ». D’autre part l’érudition est plutôt caricaturée dans la société d’aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été le cas. Ma thèse a été de montrer que l’érudition est « en crise » depuis plusieurs siècles. Les premiers humanistes faisaient preuve d’érudition (disons d’une culture à la fois large et très approfondie reposant sur l’étude de textes anciens et supposant des connaissances linguistiques et une méthode critique) pour connaître l’histoire, la littérature, les arts et les sciences. Mais le XVIIe et le XVIIIe siècles marquent je pense un repli de l’érudition sur la connaissance proprement historique. J’ai cité Descartes tentant de refonder la science sur une base an-historique (la méthode, les mathématiques, l’expérimentation…). Mais même dans le domaine de l’histoire, si l’érudition a été fondamentale (de Mabillon à l’école méthodique du XIXe), et reste appréciée, elle n’est plus la qualité première d’un historien, qui ne peut pas se contenter d’établir naïvement des « faits » à partir de documents. Enfin, j’ai défini l’érudition comme une sorte de « passion pour la constitution et le partage du savoir », qui pouvait prendre des formes nouvelles aujourd’hui, notamment avec Wikipédia (avec une forme d’investissement personnel plus « éparpillé » qu’autrefois, sur des sujets souvent moins « nobles », mais je pense que l’analogie peut se défendre)

Pour aller plus loin, la définition de l’érudition dans le Trésor de la langue française : sens A : « Pratique d’une méthode consistant à rassembler des documents nombreux et souvent exhaustifs autour d’une recherche » ; sens B : « Connaissances accumulées par l’emploi de cette méthode. ». Le TLF cite plusieurs emplois péjoratifs : « fausse érudition » (ce qui laisse entendre que la vraie érudition peut avoir un sens), « poussiéreux travaux d’érudition ».

Pour Wikipédia, « L’érudition désigne une grande étendue de savoir conférant une connaissance profonde et étendue en littérature, en philologie, résultant le plus souvent de l’étude et de la lecture étendue des documents consacrés au sujet plutôt qu’à des études scolaires. »

Enfin, je découvre l’intéressant article de l’Encyclopédie, écrit par D’Alembert : « Ce mot, qui vient du latin erudire, enseigner, signifie proprement & à la lettre, savoir, connoissance ; mais on l’a plus particulierement appliqué au genre de savoir qui consiste dans la connoissance des faits, & qui est le fruit d’une grande lecture. On a réservé le nom de science pour les connoissances qui ont plus immédiatement besoin du raisonnement & de la réflexion, telles que la Physique, les Mathématiques, &c. & celui de belles-lettres pour les productions agréables de l’esprit, dans lesquelles l’imagination a plus de part, telles que l’Eloquence, la Poésie, &c. L’érudition, considérée par rapport à l’état présent des lettres, renferme trois branches principales, la connoissance de l’Histoire, celle des Langues, & celle des Livres. »

A la fin du XVIIIe siècle, l’érudition se distingue donc couramment de la « science » et des arts. Cela me rassure, vu que j’ai évoqué cette idée dans ma 1re partie 😉

Les oraux

En interne comme en externe, l’oral comprend trois épreuves : langue étrangère, culture générale, entretien sur la motivation professionnelle.

L’épreuve de langue

L’épreuve de langue est très légère en interne, puisqu’il s’agit de traduire un texte d’une dizaine ou d’une quinzaine de lignes, avec l’aide d’un dictionnaire, puis de discuter en français avec le jury (sur des points de traduction et de civilisation). Dans son dernier rapport, le jury semble souhaiter que les exigences linguistiques soient renforcées pour les internes. Je serais assez d’accord : on pourrait ne maintenir qu’une seule langue (contre deux en interne), mais en faire une véritable épreuve, ce qui implique une conversation dans la langue souhaitée.

J’avais choisi l’anglais, et j’ai eu à traduire un texte du journal the Independant sur la critique faite par le maire de Londres au gouvernement Cameron, coupable de « mollesse » envers les syndicalistes anglais, en particulier ceux du métro. En filigrane, on percevait les ambitions nationales de Boris Jonhson. Rien à dire, sinon que j’ai appris que le métro de Londres était beaucoup plus profond que le métro parisien.

Le jury m’a demandé de lire le texte, ce qui n’est apparemment pas systématique. Quelques légères difficultés : traduire : backbenchers (j’ai traduit par « parlementaires de base » mais il n’y a pas d’équivalent exact en français), traduire le titre (la traduction littérale me semblait très lourde en français. J’ai reformulé, le jury m’a demandé ensuite la raison de mes choix). J’ai failli buter sur le faux ami « to curb ». Dans le contexte, j’ai traduit « union members » par « travailleurs syndiqués » plutôt que par un simple « syndicalistes ». Enfin ma traduction de « clampdown » était assez alambiquée. Le jury m’a demandé la signification de « clamp » tout court, que j’ignorais.

Voici le texte :

Boris : toughen up union strikes rules

By: David Hughes

Tories have demanded a clampdown on trade unions in a show of « Thatcherite zeal » aimed at stopping a wave of industrial unrest.
Mayor of London Boris Johnson is backing calls for tough laws to make it harder to call strikes.

London Mayor Boris Johnson and backbench MPs want tough laws to make it harder to call strikes in an echo of Baroness Thatcher’s campaign to curb union powers in the 1980s. Mr Johnson said it was « farcical » that a strike could be called with the backing of just a fraction of union members eligible to vote.

A recent report by the Conservative group on the London Assembly said Tube strikes in the capital cost the economy £48 million a day, estimating that industrial action between 2005 and 2009 cost £1 billion.

Mr Johnson told The Sun: « The idea that a strike can be called by a majority of those that vote, rather than a majority of all those balloted, is farcical. It often results in a strike backed by just one in 10 union members, antagonising millions of commuters in the process and costing London and the UK billions every year. I’d urge the Government to act with some Thatcherite zeal and at the very least legislate against strikes supported by less than half of all union members. »

The call for new laws making it illegal to take action without the support of more than 50% of members follows unions raising the prospect of a general strike in protest at the Government’s austerity measures.

 L’entretien de culture générale

Le texte à commenter était un extrait du discours de réception de Simone Veil à l’Académie française par Jean d’Ormesson. Le discours complet est consultable sur le site de l’Académie. L’extrait ne comprenait que les premiers paragraphes, où J. d’Ormesson évoque Racine et quelques figures plus ou moins oubliées. La carrière de Simone Veil n’y est pas développée, mais simplement évoquée en quelques mots. J’ai donc centré le commentaire sur l’institution elle même, profondément traditionnelle (par son héritage et son fonctionnement), et sur le portrait des académiciens esquissé par l’auteur (quelques grands auteurs, beaucoup d’anonymes, quelques grandes figures, et une ouverture tardive aux femmes). Mon commentaire était assez vasouilleux, mais la discussion avec le jury s’est bien passée et m’a sans doute permis de corriger le tir.

Les questions liées au texte ont porté sur :

– l’Académie

– l’Institut de France (combien d’Académies ? expertise scientifique de l’Académie des Sciences que l’on ne retrouve pas dans les autres Académies)

– le comportement des Académiciens pendant et après la guerre : Pétain et Maurras furent condamnés à l’indignité nationale, mais leurs sièges furent laissés vacants jusqu’à leur mort. Ainsi, en 1953, Pierre Benoît fut élu au fauteuil de Pétain et prononça comme le veut la tradition l’éloge de son prédécesseur, en concédant que « Le Maréchal Pétain a tracé dans notre histoire des pages dont les unes demeurent lumineuses et dont les autres prêtent à des interprétations qui se heurtent encore et suscitent des passions toujours vives »

– le caractère « républicain » de l’Académie (auquel l’auteur faisait allusion). J’ai soutenu que ce n’était qu’un vernis, son histoire et son recrutement par cooptation en faisant plutôt un héritage de l’Ancien Régime. Mais on m’a fait remarquer que c’est le président de la République qui patronne l’Académie. Les détails sont exposés ici

– Henri de Régnier, évoqué dans le texte. Je ne connaissais pas

– Albert de Mun, idem. Je l’ai confondu avec Marc Sangnier, mais je me suis repris in extremis

– Xavier Darcos (récemment élu contre A. Compagnon)

– les intellectuels (parce que j’avais dit que certains Académiciens ne le sont pas vraiment…)

Les questions « libres » ont portés sur :

– le bloc de constitutionnalité

– la Convention européenne des droits de l’homme

– la fracture numérique

– le livre récemment commis par A. Minc sur Bousquet et Jean Moulin

– le film Lacombe Lucien de Louis Malle (que je n’ai pas vu…) et son co-scénariste, l’écrivain Modiano

– et enfin, qui je placerais à l’Académie Française et au Panthéon si j’en avais le pouvoir

L’entretien sur la motivation professionnelle

Le texte à commenter était un article du Monde consacré aux inégalités salariales entre hommes et femmes, et aux mesures prévues par la loi du 9/11/2010 pour contraindre les entreprises à élaborer des plans afin de les corriger. J’ai replacé cette mesure dans le cadre plus général des luttes contre les discriminations (loi de 2005). Après avoir détaillé les objectifs de la loi de 2010 et sa mise en application, j’ai indiqué que d’autres actions seraient nécessaires et possibles pour aller plus loin dans l’égalité entre hommes et femmes au travail.

Je pense avoir plutôt bien commenté le texte, ce qui ne m’a pas empêché d’avoir une note très faible… Cela confirme en tout cas ce que le jury écrit dans le dernier rapport : dans cette épreuve, le commentaire compte beaucoup moins que l’entretien. Je pense également que, comme dans les concours ITRF, le jury profite de cette épreuve pour classer les candidats plutôt que pour « évaluer » leur qualité supposée. Autrement dit, il est sans doute assez facile d’avoir une très bonne note si le jury a clairement envie de travailler avec vous, ou une très mauvaise dès qu’il a un doute. Mais il faudrait en parler avec le jury pour confirmer cette impression…

Le jury m’a posé quelques questions sur le texte et le thème de l’égalité hommes / femmes :

– Quels sont les dispositifs concrets (non cités dans le texte) qu’une entreprise peut détailler dans un plan, pour se conformer à la loi de 2010 ? Je n’ai pas répondu de manière très précise…

– Si les hommes prennent plus de congés parentaux, est-ce que cela ne va pas nuire à leur carrière? Question posée par un homme 😉

– Et la fonction publique dans tout ça? Pour moi l’égalité salariale entre personnes chargées de la même tâche est réglée par le régime statutaire, mais pas l’égalité dans la progression des carrières, et l’accès à des postes de direction.

– Quel organe dans une Université pourrait avoir à discuter des primes, des horaires de travail, etc? J’ai évoqué le comité technique

Le jury ne m’a posé que très peu de questions directes sur mon parcours (il avait mon dossier RAEP) : pourquoi avoir quitté l’enseignement (il y a 7 ans environ) ? pourquoi avoir commencé ma carrière dans un IUFM ? En quoi consiste le service d’informatique documentaire dans mon établissement actuel? Il ne m’a posé aucune question concrète sur mon travail, ni sur les documents que j’avais joints au dossier RAEP, ce qui m’a plutôt surpris.

Les principales questions « personnelles » furent :

– mon départ de l’enseignement. Je pensais avoir bien présenté les choses, mais cela n’a peut être pas convenu au jury.

– la différence entre bibliothécaire et conservateur.

– quel serait mon « style de management » (j’ai été peut être un peu confus, faisant l’éloge de la communication interne dans les organisation au lieu de répondre clairement à la question. J’aurais dû répondre « le management par la peuuuur », ça aurait eu le mérite d’être clair!)

– si j’étais attiré par le patrimoine (à cause de mon cursus). J’ai essayé de montrer que oui, pour ne pas passer pour le geek de service.

– pourquoi j’avais conclu mon dossier RAEP en envisageant mon avenir comme responsable d’un service informatique? J’aurais sans doute dû être plus « ouvert » au lieu d’insister sur ce point…

– la question-peau-de-banane : « Que pensez-vous de la situation de la bibliothèque [biiiip] ? ». Lors de la discussion, j’ai évoqué une bibliothèque, ce qui a fait réagir l’inspectrice des bibliothèques présente dans le jury, qui m’a demandé mon avis sur sa situation. J’ai sans doute manqué de diplomatie en évoquant surtout des points négatifs, ce qui a pu faire conclure au jury que j’aurais mal vécu une affectation dans cet établissement.

Bref, au final, une sale note, sans doute à cause de quelques maladresses lors de l’oral et dans mon dossier, mais je ne saurais pas en dire plus, ce qui est un peu frustrant!

Et maintenant?

Je viens de recevoir les papiers de l’ENSSIB : la scolarité débute le 6 janvier et dure 18 mois (oui, ce n’est pas un scoop 😉 ). Je vais donc continuer de sévir à Rennes 2 jusqu’en décembre.

Et, tant qu’on y est, si vous libérez un grand studio ou un F2 sympa à Villeurbanne ou Lyon en janvier, je suis preneur!

Bilan d’étape

Voici trois mois jour pour jour que j’ai débarqué à Villeurbanne pour y suivre la formation initiale des bibliothécaires d’Etat. Autrement dit, dans trois mois, adieu quenelles, saucisson et tarte à la pralines! Car depuis cette année, la formation ne dure plus que six mois, à l’issue desquels les bibliothécaires rejoignent leur lieu d’affectation (l’université de Rennes 2 en ce qui me concerne).

Quenelles de brochet

Quenelles de brochet (posté sur Flickr par stu_spivack sous licence cc-by-sa 2.0)

Quel meilleur moment pour un petit bilan ?

Je n’ai rien publié sur ce blog depuis septembre. Certes, je n’avais jamais été très assidu, mais ce silence commence à être long. D’autant que, pendant cette période, j’ai été assez bavard sur Twitter… Mais il s’agit de deux outils complémentaires, aux logiques différentes. Twitter ne me permet pas de développer une réflexion construite, ni de rendre compte d’une expérience un tant soit peu complexe comme j’ai pu essayer de le faire par le passé dans certains billets de blog. Par contre, c’est un outil précieux pour formuler quelques remarques générales, s’informer des projets des uns et des autres, échanger rapidement des informations, et lancer quelques blagounettes plus ou moins bibliothéconomiques. Je suis encore plus Twittodépendant depuis que j’ai troqué mon brave Nokia pour un HTC qui me permet enfin de surfer partout et n’importe quand (je ne sais pas comment j’ai pu m’en passer si longtemps!).

Donc, pas de nouveau billet depuis un bon bout de temps. Pourtant ce ne sont pas les idées qui manquent, mais en cette période de transition j’ai l’impression d’avoir deux ou trois morceaux de cerveau qui ont du mal à se connecter :

  • Demain il me faudra – avant tout – administrer un SIGB et réfléchir à des projets informatiques innovants. Mais j’ai beau m’y intéresser dès maintenant, tant que je n’aurai pas pris mon poste et que je n’aurai pas les deux mains dans le cambouis, cela restera assez théorique pour moi.
  • Hier, j’achetais et je traitais des livres, je participais à l’accueil, à l’information et à la formation des étudiants. Mon identité professionnelle s’était peu à peu cristallisée autour des problématiques liées au catalogage. Or, on ne peut pas vraiment dire cette activité soit unanimement valorisée par la profession… ;-). Et après trois mois, j’ai déjà l’impression d’avoir perdu la main, oublié beaucoup de choses, être déconnecté des débats et des évolutions en cours. Alors, que faire des connaissances et des compétences (beurk, je cause comme à l’IUFM…) liées au traitement des documents ? Passer un coup de chiffon définitif, ou bien les intégrer à mes nouvelles fonctions, mais en prenant un peu de hauteur, en changeant de point de vue ? A la manière de présenter les choses, on comprendra quelle solution a ma préférence… J’ai du mal à admettre que tout ce que j’ai pu apprendre deviennent subitement et totalement inutile. Mais  je ne sais pas trop ce qu’il adviendra : peut-être que dans un an ou deux tout cela sera vraiment de l’histoire ancienne pour moi…
  • Enfin, aujourd’hui, me voilà redevenu étudiant à plus de trente ans. J’attends deux fois par jour – avec des pleurs de joie indescriptibles – la sacro-sainte fiche d’émargement, et je prend – très sagement – des notes en écoutant des collègues évoquer la diversité des publics, la médiation numérique, la communication, les innovations, la gestion de projet, la réinformatisation, etc etc. Bref, tout cela est intéressant, mais la plupart des sujets ne peuvent être qu’évoqués assez rapidement à mon goût.

La formation est en effet très brève, si l’on songe qu’elle vise à former des cadres. Mais la durée étant fixée par décret, l’école n’est pas libre de la modifier… Je pense que le recrutement hétérogène complique également la tâche des formateurs. Il faut à la fois donner un solide aperçu des bibliothèques à des étudiants qui n’y ont jamais travaillé, et permettre aux vrais et faux internes (majoritaires) d’approfondir leurs connaissances tout en sortant d’une vision parfois très technique ou très spécialisée du métier. Pas facile… Je tire mon chapeau au coordinateur ! Pour ma part, la plupart des cours m’ont intéressés, mais sans que j’y apprenne énormément de choses, à quelques exceptions près (comme le cours sur la réinformatisation ou l’interopérabilité des données, mais, promis, il y en a eu d’autres…). Ce que j’ai le plus apprécié, c’est que, le plus souvent, les intervenants se sont positionnés comme des collègues venant nous faire part d’une expérience et/ou d’une expertise, tout en faisant naître de véritables échanges avec notre groupe.

Bref, cela sera à nous de compléter et d’approfondir nos connaissances une fois en poste, en profitant de la formation continue – dont le financement est bien entendu une priorité absolue pour nos universités au bord de la faillite -, ou  plus probablement en nous débrouillant tout seuls comme des grands ;-).

Tout autant que les cours, et peut-être même plus, les contacts noués pendant cette formation me marqueront sur la durée. Mélanger internes et externes est sans doute complexe sur le plan pédagogique, mais extrêmement enrichissant. Etudiant(e)s tout frais sorti de l’école, BAS aguerri(e)s, anciens profs, anciennes salariés de l’édition ou des musées, féru(e)s de cuisine, de communication, de webdesign (plutôt classe non?), d’anthropologie urbaine, de vampires… Il est rare de pouvoir rencontrer autant de personnes si différentes et pourtant animées par une passion commune, le babyfoot les bibliothèques.

babyfoot

Que serait l'Enssib sans son babyfoot ? (posté sur Wikimedia Commons par Jean-no, licence Artlibre)

C’est à tous ceux-là, et à tous les autres…, que je souhaite une très bonne année, aussi riche en epubs qu’en pubs , aussi remplie de découvertes que d’outils de découverte ! (Oui, je sais c’est mauvais, mais c’est sincère, si si…)

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